J'avais promis un comparatif de plusieurs huiles, je vous prie de m'excuser pour le retard mais l'analyse n'a pas été évidente car n'étant plus sur place depuis décembre, c'est plus dur d'avoir les avis des ex-collègues spécialistes du domaine.
J'ai procédé à l'essai comparatif entre :
- Mobil1 5W50
- Carrefour 5W50
- Castrol TWS Motorsport 10W60 (version pour les BMW Motorsport)
- Castrol Edge 10W60
L'essai HFRR est composé d'une bille en acier qui frotte par un mouvement d'aller-retour sur un palet en acier poli miroir.
Les 2 composants baignent dans l'huile que l'on analyse.
Voici une photo du système:
http://www.swissroos.ch/HFRR-1.jpg
On remarque le socle qui contient l'huile, sur lequel une pièce carrée tient la bille.
Cette pièce est tenue par la barre qui rentre dans la machine et fait un mouvement d'aller-retour sur une course d'1cm. La tige perpendiculaire sur laquelle est accrochée un câble, sert à tenir la masse (1kg dans mon cas).
Cette masse conjuguée au rayon de courbure de la bille créent des conditions assez sévères (forte pression d'Hertz), qui font que nous nous retrouvons dans le régime de lubrification limite.
Dans ce régime, les surfaces de 2 pièces en contact se touchent, l'huile doit avoir des propriétés très spécifiques (résistance aux très fortes pression) pour éviter le contact direct métal/métal et l'arrachement de matière, ce qui créera l'usure du moteur.
C'est un essai complètement différent des tests des normes qui sont plus représentatifs d'une vision macroscopique du moteur (liaison palier de vilo, palier d'ACC, coussinet de bielle,...), l'essai HFRR se rapprocherait d'un contact à l'échelle microscopique d'un segment sur la chemise ou du coussinet sur le vilebrequin au démarrage par exemple.
Une image 3D de la surface usée
et une vue en coupe au milieu du passage donne ceci :
L'altitude du palet non-usé est en bleu ciel, ce qui est en bleu foncé est + bas (donc manque de matière, provenant d'arrachement ou d'écrasement de la matière).
Ce qui est en rouge est de la matière au dessus de l'altitude moyenne, c'est de la matière qui est ressortie par l'effet Poisson de l'écrasement.
Le conditions de test étant les mêmes pour chacune des huiles, les matériaux identiques, on devrait retrouver des volumes de matière enfoncée et matière ressortie similaires dans tous les tests, on verra que ce n'est pas le cas.
Le test démarre à une T° d'huile de 30°C puis monte par paliers jusqu'à 140°C, l'huile est chauffée par le support du palet. Si 140°C peut paraître élevé, il faut se mettre à la place de l'huile qui est à au moins 100°C au manomètre et qui va être en contact avec la jupe du piston qui peut dépasser les 200°C, on voit que 140°C ce n'est pas si élevé.
La feuille Excel donne les résultats du test:
- la courbe rouge est la T° de l'huile avec l'échelle à gauche
- chaque essai a 2 courbes, une du coefficient de frottement (légèrement sous les 0.2 pour toutes les huiles); l'autre est la courbe de l'épaisseur du film d'huile qui est "bruitée" et qui touche 1 sur l'axe des ordonnées à droite.
Ce n'est pas une épaisseur absolue, mais le rapport entre l'épaisseur maxi vue durant le test et l'épaisseur actuelle. On ne peut donc pas comparer les huiles entre elles, sauf sur la stabilité de l'épaisseur du film (des huiles sont toujours à 1, d'autres varient beaucoup).
J'ai fais entre 2 et 4 tests pour chaque huile afin d'être sûr d'avoir des conditions reproductibles.
Plusieurs phénomènes peuvent expliquer les variations de coefficient de frottement:
- après un frottement élevé, les surfaces s'accomodent et le coefficient de frottement diminue. C'est une sorte de rodage, mais ce n'est évidement pas top en terme d'usure.
- l'huile crée un "tribofilm", c-à-d que les surfaces se recouvrent d'un revêtement qui va leur permettre de glisser sans s'user. C'est une bonne propriété.
- les additifs de l'huile s'activent avec la T°, ce sont de grosses molécules qui empêchent les pièces de se toucher. Bonne propriété aussi.
Ensuite, on a fait des mesures par microscope confocal pour étudier l'état de surface des palets. Les résultats sont listés dans le tableau ci-dessous:
Si on analyse conjointement l'épaisseur du film d'huile et le coefficient de frottement, on observe:
+ Mobil1:
Elle a le + faible volume de pic mais un très fort volume de creux : la matière s'est arrachée par la pression de contact.
On remarque une forte baisse de l'épaisseur du film vers la fin du palier à 100°C avec une augmentation du frottement => phénomène d'usure.
Puis augmentation au milieu du palier à 140°C conjointement avec la diminution du frottement (tribofilm ou additifs).
+ Castrol TWS Motorsport :
Elle a le plus grand volume de matière usé et un faible pic, c-à-d beaucoup d'arrachement de matière.
Le frottement est constant tout au long de l'essai, difficile d'estimer le phénomène mis en jeu.
L'épaisseur de film décroît très vite et remonte aux hautes températures, probablement tribofilm ou additifs.
+ Castrol Edge :
2nde meilleure en volume usé mais elle a le plus de volume sorti.
Le frottement est stable jusqu'à environ la moitié du palier à 120°C. Ce qui semble indiquer une dégénération du contact : apparition d'usure qui accomode les surfaces et diminue le coef de frottement
l'épaisseur du film d'huile est assez constante
+Carrefour :
La meilleure en volume creusé, donc peu d'usure.
Frottement et épaisseur de film très stables.
C'est l'huile qui inspire le plus confiance car elle n'a pas été influencée par les conditions de contact qui se sont endurcies au cours du test.
En conclusion, les dynamiques entre les différentes huiles sont visibles mais il aurait été intéressant de tester une huile de mauvaise qualité pour situer l'importance des écarts entre les différentes huiles.
Je remercie rise94 et DAV4WS pour le dont gracieux d'échantillon d'huile et gineto pour son aide à la rédaction de la FAQ.