D'accord sur ce que tu dis pour la plupart, mais tu fais une petite erreur
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A presque trente ans tu es un millenial, mais justement tu n'es pas né avec un clavier dans la bouche. Les millenials ont cette particularité qu'ils ont grandi avec le numérique, c'est ça qui les définit (toi et moi petits on avait pas le net, puis on a eu AOL, le 56k, etc on a tout vécu, du 3210 aux smartphones). Ils ne sont pas spécialement censés être super forts en numérique mais par contre ils le comprennent bien sur ce qu'il a changé.
L'autre particularité c'est qu'on est la première génération à fonctionner différemment professionnellement, avec énormément de turn-over. On est aussi une génération qui n'a pas un rond et des perspectives difficiles, un bon indice est que 50% des moins de trente ans ont dû retourner chez leurs parents suite à une rupture sentimental ou à un changement d'emploi, pour des raisons économiques. C'était presque nul, ce chiffre, à l'époque de nos parents.
Ce qu'on a aussi vu par contre, c'est comme tu le dis, la dégradation des conditions de travail, la crise quand on est arrivés sur le marché (t'es de 1986 donc tu avais 19 ans lors de la crise, pile le bon moment), donc difficile de trouver du taf, pas d'évolution de salaire, perspectives bloquées car génération vieillissante mais en nombre important au pouvoir, etc. Du coup on est:
- pas contents
- pas confiants
- on remet en cause beaucoup de chose.
Et bien que tu dise que parler de générations c'est bête, en soi non, c'est un phénomène social bien connu, qui est d'ailleurs très réfléchi et appliqué dans les grandes entreprises. On embauche pas un jeune ingénieur de 30 ans comme on embauche un autre de 50, on ne leur propose pas la même chose, car leurs attentes sont différentes: c'est générationnel.
Nous on veut de la visibilité, une évolution salariale calée et discutée, le truc du "investissez-vous 4 ou 5 ans et ne vous en faites pas, l'entreprise vous le rendra" bin ça ne marche plus pour nous, avant c'était vrai, maintenant si ça se trouve la boîte en Corée du groupe auquel tu appartiens va couler et toi en France tu vas te prendre le bâton de plein fouet avec gel des salaires. Trop d'aléas pour faire confiance. Moi je crame pas mes années professionelles de 32 à 35 ans pour "ça va venir" faut pas déconner. Peut-être qu oui hein, le patron qui me l'a dit est ptêtre de bonne foi et tout mais... Jsuis désolé, chat échaudé craint l'eau froide, on parle de ma carrière, de ma vie, donc désolé je prends pas le risque. Normal.
On reste moins longtemps dans la même boîte, aussi. pour des trentenaires comme nous, faire la même boîte 25 ans est impensable. D'ailleurs à nos âges, on a déjà changé d'emploi 2 voire 3 fois ou plus pour la plupart! Nos parents, non, il n'est pas rare de voir des soixantenaires à l'aube de la retraite, qui ont fait toute leur carrière dans la boîte. Dans notre génération, ce sera rarissime.
Tout ça vient du même problème que je décris grossièrement ci-dessous:
- on décide "d'instrumentaliser" le travail: fordisme, taylorisme, lean management...
- Résultat, les gens sont malheureux au travail, ils n'ont plus droit au chapitre et on leur enlève de la valeur ajoutée. A l'époque du fordisme on raconte que c'était trop de la bombe mais y'a eu des mouvements de grève comme jamais, les mecs jetaient leurs outils sur la chaîne, fin ça s'est pas fait dans la douceur, mais évidemment on n'en parle pas.
- Ils deviennent moins professionels car moins investis (bin oui, avant il avait une valeur ajoutée le mec, maintenant il est là pour faire la tâche X du process et on lui demande surtout de ne rien faire d'autre).
- Comme ils sont moins professionels et qu'en plus ils se sont transformés en ressource avec le "new management", bin on va pas les payer autant qu'avant faut pas déconner (attends le mec il fait la tâche X quoi on va pas bien le payer quand même!)
- Résultat aujourd'hui on est mal payés à faire des jobs qui suivent une fiche de poste, on est un numéro (pour les grands groupes surtout) du coup tu l'as dit, le travail osef en fait. Ca donne pas envie. Et en plus, on se fait critiquer de ne pas s'investir non mais sans déconner? -_-'
T'es méprisé, on t'écoute pas, tu vois tous les jours les gens prendre des décisions à la con par fierté déplacée ou par gargarisme de leur médiocrité, on parle de toi comme une ressource, en heures, en pointage, en productivité.
Bin tu fais quoi? Tu viens, tu claques la bise à tes potes, tu penses à autre chose pendant 8h sans t'investir donc sans proposer ou en faire plus (ça sert à rien on a dit), tu prends ton chèque et voilà... Et je serais le dernier à jeter la pierre sérieux.